Allocution du Ministre-Président, Elio Di Rupo, sur la situation en Ukraine et les conséquences socio-économiques

Allocution du Ministre-Président, Elio Di Rupo, sur la situation en Ukraine et les conséquences socio-économiques
Parlement de Wallonie

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés, 

Chers Collègues,

 

Depuis ce 24 février, les règles les plus élémentaires du droit international ont été bafouées en Europe.

 

Depuis 14 jours maintenant, l’Ukraine est victime d’une agression militaire unilatérale et totalement injustifiée de la part de la Russie.

 

Cette attaque militaire de l’Ukraine par la Russie, le gouvernement de Wallonie la condamne avec force et indignation.

 

Nous en appelons à un cessez-le-feu immédiat et au retrait des troupes russes au-dehors du territoire de l’Ukraine.

 

Puisse Moscou mettre fin aux hostilités. 

 

Mesdames et Messieurs les Députés, 

L’invasion armée de l’Ukraine nous scandalise.

La vue des civils morts laissés sur le sol nous horrifie.

 

La détermination de Poutine nous consterne et nous effraie.

C’est une terrible tragédie qui se déroule sur le sol européen.

Face à cette tragédie, le gouvernement de Wallonie souhaite tout d’abord s’adresser au peuple ukrainien.

 

A ce peuple ukrainien qui se bat avec courage pour défendre ses aspirations à la liberté et à la démocratie.

 

Je veux assurer au peuple ukrainien l’indéfectible soutien de l’ensemble de la Wallonie. 

Nous, citoyens de Wallonie, partageons la souffrance des femmes, des hommes et des enfants d’Ukraine.

 

Ce peuple innocent qui s’est brutalement retrouvé sous les bombes russes. 

Ces patriotes confrontés à la dévastation de leur pays.

Ces millions de personnes qui, en ce moment, se trouvent forcées d’abandonner leur foyer.

 

Aujourd’hui, plus de deux millions d’Ukrainiens ont pris la route de l’exil.

 

Mais selon le chef de la diplomatie européenne, l’Union européenne peut s'attendre à recevoir plus de cinq millions de réfugiés, si l'invasion de l'Ukraine se poursuit.

 

Le chiffre de 7 millions est maintenant cité. 

 

Mesdames, Messieursles Députés,

Au sein de l’UE, de nombreux pays s’organisent pour offrir le meilleur accueil possible aux réfugiés ukrainiens.

 

La Belgique en fait partie.

Dans notre pays, c’est le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration qui est chargé de la coordination de l’accueil.

 

Toutes les communes de Belgique ont été sollicitées et interrogées sur leur capacité d’accueil en termes de logement temporaire.

 

Le gouvernement accompagnera bien sûr les communes wallonnes.

 

Le gouvernement fédéral, de son côté, soutiendra financièrement les CPAS.

 

Quant au statut des réfugiés, pour la première fois, la directive de 2001 concernant les personnes déplacées par la force est activée.

 

Les réfugiés ukrainiens bénéficient ainsi de la protection temporaire dans l’UE.

 

Ce statut leur donnera notamment l’accès à l'enseignement, au marché du travail et à l’aide sociale.

 

La protection temporaire est valable un an.

 

Elle peut être prorogée pour une durée maximale d'un an supplémentaire.

 

Dès leur arrivée sur le territoire belge, les ressortissants ukrainiens doivent s’inscrire sur le site de l’ancien hôpital Bordet à Bruxelles.

 

Le gouvernement fédéral s’efforce en ce moment de trouver un espace plus grand à Bruxelles tant le nombre de réfugié est important.

 

Une fois inscrits, les réfugiés pourront se diriger là où ils le peuvent dans notre pays.

 

A ce stade, si on estime que 7 millions de réfugiés quitteraient l’Ukraine, la Wallonie pourrait être amenée à accueillir environ 70.000 d’entre eux.

Les aspects pratiques et financiers sont démiurgiques. 

Comment les loger ?

Comment leur permettre d’avoir une vie digne en Wallonie ?

Comment permettre aux enfants des réfugiés de fréquenter nos écoles ? 

Comment leur accorder sans délai les moyens d’accéder aux soins de santé ?

 

Nous trouverons des réponses à ces questions. Et nous le ferons rapidement.

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

 

La Wallonie accompagnera les communes qui accueilleront les Ukrainiens. Mon Collègue, le ministre Collignon, explicitera la mesure dans quelques instants.

 

La Ville de Bruxelles, quant à elle, a réservé le palais 11 du Heysel pour accueillir les dons matériels en faveur des Ukrainiens, à la demande de l’Ambassade d’Ukraine.

 

Le bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close, m’a assuré que tout Wallon qui souhaite faire un don sera accueilli au palais 11. Mais on sait que celui-ci est déjà saturé.

 

De très nombreuses initiatives individuelles ou locales sont prises par ailleurs, tant par des communes que par des citoyens.

 

Des colonnes d’aides s’organisent jusqu’à la frontière Est de l’Union européenne. 

Mesdames, Messieursles Députés,

Face à cette tragédie, je salue la mobilisation et la solidarité dont témoignent de très nombreux Belges et Européens.

 

J’ai eu un contact personnel avec le chargé d’affaires de l’Ambassade d’Ukraine, Yehor Pyvovarov.

 

Nous avons discuté des besoins les plus urgents du peuple ukrainien.

 

Il a insisté sur le rôle précieux que pourraient jouer certaines ONG habituées à opérer dans des zones de conflit.

 

Je lui ai confirmé le soutien de la Wallonie.

 

C’est ainsi que mon cabinet a pris contact avec plusieurs ONG actives en Ukraine et à la frontière Est de l’UE.

 

Suite à ces contacts, j’ai pris la décision de soutenir financièrement l’ONG Médecins du Monde.

 

Avec le concours de WBI, 150.000 euros seront accordés à Médecins du Monde.

 

Cette aide se concentrera en priorité sur le soutien d’hôpitaux en Roumanie et sur le soutien de centres de soins en Ukraine, à partir de la frontière roumaine.

 

Nous avons tous entendu les suppliques poignantes du président Zelensky. Il demande notamment un soutien concret à la résistance ukrainienne.

 

De nombreux pays européens, dont le nôtre, ont répondu à ses demandes.

 

Le gouvernement belge a ainsi décidé de livrer du matériel militaire au gouvernement ukrainien.

 

  Cet envoi de matériel ne concerne pas le gouvernement wallon.

 

Il s’agit de stocks de l’armée belge envoyés directement par la Défense.

 

La Wallonie en tant qu’institution n’achète d’ailleurs pas de matériel de défense et par conséquent ne reconstitue aucun stock.

 

En ce qui concerne les licences à double usage à destination de la Russie, elles ont été suspendues avant même l’adoption du premier paquet de sanctions de l’UE.

 

Je tiens également à souligner que la Wallonie n’exporte aucune arme vers la Russie, en vertu de l’embargo de l’Union européenne décrété en 2014.

 

Par ailleurs, je rappelle que notre pays a envoyé quelque 300 militaires belges à la frontière extérieure de l’UE en Roumanie.

 

Cet envoi s’effectue dans le cadre de la Force d’intervention rapide de l’OTAN.

 

Cette Force d’intervention est chargée d’assurer une mission de protection et de dissuasion aux frontières de l’UE.

 

Je tiens à exprimer tout mon soutien, et je présume également le vôtre, à nos troupes, ainsi qu’à leur famille.

 

J’ai également une pensée pour le personnel diplomatique et civil qui est lui aussi pleinement mobilisé.

 

Je voudrais aussi rappeler que ce n’est pas la première fois que nous accueillons des réfugiés de guerre.

 

Nous avons accueilli les Grecs fuyant les colonels.

Nous avons accueilli les Espagnols fuyant le franquisme. 

Nous avons accueilliles Chiliens fuyant Pinochet.

Nous avons accueilli les réfugiés fuyant les guerres en ex-Yougoslavie. 

Nous avons accueilliles Afghans, les Irakiens, les Syriens, …

 

Nous ne pouvons abandonner ces femmes, ces hommes et ces enfants ukrainiens dont les vies ont été bouleversées par la volonté d’un seul homme.

 

Au nom de nos libertés et de nos acquis démocratiques, nous serons à la hauteur du nouveau défi humain qui nous attend.

J’en suis convaincu. 

 

Monsieur le Président

Mesdames, Messieurs les Députés,

 

Le commissaire européen Paolo Gentiloni a annoncé que l'invasion russe affectera la relance économique postcovid de l'UE, mais sans la faire dérailler.

 

Parmi les facteurs de risques que le Commissaire a cité, figure l'impact sur les marchés financiers des sanctions européennes contre la Russie et d'éventuelles représailles russes.

 

Il a également mis l’accent sur des goulets d'étranglement économique qui se confirmeront dans la chaîne d'approvisionnement, la pression sur les prix de l'énergie et l'impact sur la confiance des consommateurs.

 

Un paquet de mesures pour soutenir l’économie européenne à plus long terme est en préparation au niveau européen.

 

Dans quelques instants, mes Collègues fourniront les premières considérations sur les conséquences des sanctions imposées à la Russie.

 

Monsieur le Président

Mesdames, Messieurs les Députés,

 

En matière de Défense européenne, je salue l’activation de « la Facilité européenne pour la paix ».

 

Il s’agit d’un instrument, doté d’un budget d’environ 5,7 milliards d’euros.

 

L’un des objectifs de cet instrument est de renforcer la sécurité internationale en permettant le financement de matériel létal et non létal dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.

 

C’est dans ce cadre que l’UE a annoncé la mise à disposition de 450 millions d’euros pour du matériel létal, et de 50 millions d’euros pour l’aide non létale.

 

Outre ce soutien militaire, l’UE a décidé des sanctions à l’encontre des responsables et des complices de l’agression militaire russe.

 

L’arsenal des sanctions est très large.

 

L’honnêteté m’oblige à dire que ces sanctions auront également des conséquences économiques et donc sociales négatives pour bon nombre de pays de Union européenne et bien entendu pour notre Wallonie.

 

En effet, certains ménages et certaines entreprises de Wallonie risquent de subir eux aussi les effets indirects de ce conflit.

 

Je pense par exemple au prix de l’énergie qui explose, et ce alors que la Russie est le premier fournisseur d’énergie (gaz, pétrole, combustible solide, etc) de l’Union européenne.

 

Je pense également aux matières premières et aux produits agricoles. La Russie est par exemple le premier producteur de blé au monde.

Et les prix du blé ont explosé depuis le début du conflit.

Cette augmentation pourrait se ressentir au niveau de nombreux produits alimentaires.

 

Un exercice d’identification des secteurs affectés est en cours au niveau européen et au niveau wallon. Le gouvernement de Wallonie suivra cette problématique avec une grande attention.

 

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les Députés,

 

La tragédie ukrainienne nous force à repenser notre sécurité de manière fondamentale.

 

La tragédie met en lumière les faiblesses de l’Europe, tant en termes de dépendance stratégique que sécuritaire.

 

En termes de dépendance stratégique, d’abord.

 

L’énergie est aujourd’hui un moyen de pression redoutable.

 

Il en est de même pour les matières premières de manière générale.

 

Poutine sait qu’il possède des moyens de chantage sur plusieurs pays européens. Plus que jamais, l’indépendance énergétique de l’UE est un objectif prioritaire.

En termes sécuritaires, ensuite.

 

La guerre en Ukraine nous force à repenser de manière fondamentale notre sécurité.

 

Garantir la sécurité de nos concitoyens est l’une des tâches premières de tout gouvernement.

 

La guerre en Ukraine nous oblige, nous Européens, à nous poser des questions essentielles à cet égard.

 

Depuis la fin de la guerre froide et des guerres dans les Balkans, l’élargissement de l’Union européenne nous a donné l’illusion d’une Europe en paix.

 

Nous pensions pouvoir laisser à d’autres le soin d’assurer notre sécurité.

 

Certes, il y a eu une tentative de construction d’une communauté européenne de défense au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

 

Mais elle n’a jamais été mise sur pied, suite au refus de l’Assemblée nationale française en 1954.

 

Avec l’invasion de l’Ukraine, le réveil est brutal.

 

La guerre est là, sur le sol européen, et il suffirait d’une étincelle pour que le brasier de l’horreur s’étende.

 

21 pays de l’Union européenne sont membres de l’OTAN. 

Sommes-nous pour autant en sécurité ?

Aujourd’hui, la Russie nous menace.

 

Poutine répète que les sanctions contre la Russie sont similaires à une déclaration de guerre. Il évoque même son arsenal nucléaire.

La Chine, de son côté, continue à s’affirmer comme une puissance redoutable.

 

Ces deux puissances, Chine et Russie, ont transformé la carte géostratégique du monde.

 

Observons que dans le drame ukrainien, la Russie est loin d’être isolée.

L’Inde, la Chine et une bonne partie des pays africains se sont abstenus de condamner l’agression russe.

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés, Je suis pacifiste.

Mais face aux menaces armées, la question de mettre en place une véritable Europe de la Défense se pose à nouveau.

 

Cette question existentielle sera certainement au programme du Sommet de Versailles convoqué cette semaine par le Président Macron.

 

Des annonces majeures ont été faites par certains Etats membres ces derniers jours.

 

Le gouvernement allemand, formé par une coalition de sociaux-démocrates, d’écologistes et de libéraux, a annoncé une augmentation vertigineuse de ses dépenses militaires.

 

Ce ne sont pas moins de 100 milliards d'euros qui seront débloqués pour moderniser la Bundeswehr et pour augmenter le budget de la défense dans les années à venir.

 

Le gouvernement d’Olaf Scholz souhaite maintenant une montée en puissance de l’armée allemande.

 

L’attitude de l’Allemagne est le résultat d’une prise de conscience : on ne peut plus ignorer la realpolitik du monde si nous voulons vivre en paix en Europe !

 

A cet égard, je me dois de rappeler que la Wallonie possède une industrie de la défense parmi les plus avancées technologiquement à l’échelle mondiale.

 

Eu égard à la situation dans laquelle Poutine nous met, il s’impose de soutenir et de développer ces entreprises.

Les soutenir tout en les encourageant à diversifier leurs activités. 

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

 

Nous faisons face à une situation exceptionnelle. 

Il nous faut une réponse exceptionnelle.

Les investissements dans les secteurs de la Défense doivent sortir du cadre des règles budgétaires de l’UE.

 

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de se lancer dans une nouvelle course aux armements, mais bien de permettre à l’UE d’assurer sa souveraineté.

 

La défense de nos démocraties et de nos valeurs est à ce prix.

 

Mesdames et Messieurs les Députés,

 

Avant de céder la parole à mes collègues, je tiens à faire part de tout mon soutien aux civils russes démocrates qui n’ont pas à être les victimes collatérales de Poutine.

 

Je pense aux défenseurs des droits humains, aux journalistes et aux nombreux citoyens russes qui, jour après jour, bravent une répression extrêmement forte pour signifier à Poutine que cette guerre n’est pas la leur.

 

Enfin, je souhaite terminer mon intervention en réitérant le soutien de la Wallonie à la population ukrainienne et en rappelant notre solidarité indéfectible envers les pays européens qui sont en première ligne dans ce conflit.

 

Nous devons plaider et agir pour que les armes se taisent, avec les moyens qui sont les nôtres.

 

Les démocraties doivent prévaloir face aux régimes tyranniques tels que celui de Poutine.

 

Nous devons envoyer au président russe le message que les démocraties ne se laissent pas impressionner.

 

Les démocraties sont là. 

Elles agissent.

Les démocraties font face

Et elles ne baisseront jamais la tête. 

 

Je vous remercie de votre attention.

Retour aux actualités